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Diagnostic Participatif en Vidéo de la gestion de l’eau dans la vallée de Cochabamba
Details
Locations:Bolivia
Start Date:Sep 1, 2002
End Date:Aug 1, 2003
Sectors: Media and Communications, Water & Sanitation
Description
Objectifs
Ce diagnostic a été essentiellement réalisé à Tiquipaya, une municipalité proche de Cochabamba, dans cette frange périurbaine où les problèmes de gestion de l’eau et de la terre sont exacerbés par les transformations spatiales et sociales liées à l’urbanisation rapide. Trois ans après la Guerre de l’Eau, dans un contexte où les espoirs nés de la mobilisation étaient loin d’avoir tous porté leurs fruits, l’eau était plus que jamais un enjeu de pouvoir au centre de conflits extrêmement nombreux dans la vallée. Les objectifs de la mission étaient ainsi définis : proposer un instrument de communication et d’animation locale permettant de faciliter le dialogue entre les différents acteurs sociaux dans leur propre recherche de solutions, et animer au travers de productions vidéo des réunions de discussion multi-acteurs sur la gestion de l’eau. Dans une atmosphère de véritable « poudrière sociale », la vidéo représentait un nouveau moyen de dresser rapidement l’état des lieux de la gestion locale de l’eau, de structurer la discussion et de l’orienter si possible vers un consensus. Par ailleurs, c’était l’occasion de promouvoir un schéma de communication où l’information part de la base et remonte vers les décideurs, d’encourager la mise en place de consultations civiles par la mairie, de stimuler la participation de la population et de sensibiliser à la bonne gestion de l’eau.
Méthodologie
Notre équipe est resté une année complète à Tiquipaya, débutée par un complexe diagnostic communicationnel (Rural Communication Appraisal) au sein d’un système d’acteurs très hétérogène et très atomisé, caractérisé par une juxtaposition d’intérêts divergents et un blocage du dialogue. Malgré l’existence de quelques négociations de type bilatéral, l’intensité des conflits entre acteurs, attisés par les divergences politiques et les considérations ethniques, s’opposaient jusqu’alors à la mise en place de toute discussion multilatérale constructive. Nous avons donc joué un rôle de pivots et fait la navette entre les différents groupes pour recueillir, dans un premier temps, les différentes « visions de l’eau » des acteurs via leurs interviews. La construction de la vidéo principale a duré plusieurs mois, ponctués d’allers-retours entre tournage et montage. Derrière cette démarche itérative se trouvait également la volonté de faire de la vidéo un outil concerté avant qu’elle ne prétende être un outil de concertation - la finalité étant, rappelons le, d’avoir une base commune de discussion dans laquelle tous les acteurs se retrouvent -. Concrètement il s’agissait d’en valider régulièrement le contenu en cours de construction, auprès des personnes qui y apparaissaient et auprès de ceux qu’ils étaient censés représenter. Chaque image et chaque son ont donc été choisis en fonction de cet objectif, et nous avons dû à plusieurs reprises modifier des séquences, afin d’éviter de vexer certaines susceptibilités et de compromettre l’efficacité de l’outil. Il fallait construire un instrument de médiation qui puisse montrer que des besoins d’eau très différents peuvent se justifier dans la logique de chacun, et donner à comprendre ces rationalités de manière visuelle et intelligible. Le produit vidéo final fait 42 minutes. Huit projections ont été orgnaisées (trois à Tiquipaya et 5 à Cochabamba) dans un objectif de concertation et de médiation, en présence de l’ensemble des acteurs de la gestion de l’eau. Les projections de Tiquipaya étaient intégrées dans le dispositif plus large du projet Negowat (Negotiating peri-urban water conflicts). Ces réunions, en marge de l’objectif principal de concertation, étaient l’occasion de valider collectivement le diagnostic vidéo, de l’ajuster avec des interventions filmées et de nouvelles interviews, de le diffuser, etc.
Résultats
Les habitants de Tiquipaya ont fait preuve d’une grande motivation pour l’exercice, ce que nous expliquons principalement par l’aspect ludique de la participation à la réalisation d’une vidéo, et par la perception du film comme un moyen efficace de véhiculer leurs revendications (avec les multiples risques de manipulation que cela implique). Nous avons créé une scène de concertation dont chacun a rapidement voulu se saisir pour défendre ses intérêts. La vraie réussite du projet est d’avoir initié un dialogue là où il n’existait pas, en réunissant pour la première fois tous les acteurs de la gestion de l’eau de la commune. Il a même permis de faire se rencontrer des personnes qui travaillaient sur les mêmes thématiques sans pour autant se connaître : après plus de 16 mois de travail à Tiquipaya, les responsables du projet d’adduction d’eau potable et de traitement des eaux usées n’avaient jamais serré la main des dirigeants de l’association des égadiers. La négociation a eu un effet sur l’ouverture d’esprit des différentes parties. Alors que peut être par habitude elles ne faisaient que contester ou dénoncer, elles ont reconnu la nécessité d’un dialogue plus constructif et se sont dites prêtes à avancer ensemble dans l’avenir, promesse concrétisée par l’intégration de représentants du milieu paysan dans les comités de pilotage des projets d’eau. La vidéo a ainsi permis de mobiliser une capacité d’action collective jusqu’à présent peu sollicitée. L'approche de Vidéo Participative a en outre permis de présenter et de faire contrôler le diagnostic à de nombreuses personnes, issues de couches sociales très différentes, comme jamais un rapport écrit ou une présentation orale classique ne l’aurait autorisé. Néanmoins, ces résultats encourageants n’ont pu empêcher l’explosion d’un conflit larvé entre la mairie et les égadiers, sans doute même accéléré par le processus que nous avons conduit, car le projet a donné une grande lisibilité au processus de développement local et levé le voile sur les stratégies d’acteurs et les scenarii probables d’évolution de la commune… créant une violente prise de conscience chez les acteurs opprimés. La démarche en elle-même a été diffusée sur les télévisions locales et dans différents colloques scientifiques dans le monde.
Partenaire financier: Rotary Club International - Conseil Mondial de l’Eau – Mairie de Paris
Mission réalisée pour le Centro Agua par les 2 fondateurs du pôle Com4Dev